Dominique Lacoudre, croque-dieu mondial, par Frédéric Bouglé, juin 2006
Du “ grand je ”, du petit “ nous ” et de “ nousAutre ”

 

L’autre est énigme au “ je ”, et le “ je ” est énigme au “ je ” des autres. L’énigme sera d’autant plus grande que le a de “ l’autre ” portera une majuscule, comme dans “ nousAutre ”. “ Je est un autre ”, écrivit Rimbaud avant de tourner la page à son je “ mage ou ange ”, et de renier le poète. Depuis, avec la psychanalyse ce “ je ” s’entête, toujours aussi obscur dans sa cure, bien installé dans son divan. Dans l’Évangile de Thomas, Jésus demande : “ À qui je ressemble ? ” Un personnage vide-ampoule de Dominique Lacoudre transcende son “ je ” avide sur Dieu, il porte une banderole sur laquelle s’inscrit :     “ Faire Dieu à mon image. ”

Mais voilà, du divin, du singulier, de l’imaginaire transposé, du regard transporté, qu’en reste-t-il une fois le   “ je ” rendu à la vie courante ? Et qu’en est-il du grand “ Je ” libre, têtu, vibrant. Face au “ nous ” planifié,  un “ je ” dans son attente d’altérité se mesure à son “ nous ” sécurisé. C’est un petit “ nous ” peu glorieux, nouveau héros numérique d’un petit écran de plus en plus grand au “ je ” d’argent. Mais alors, qu’avons-nous fait de ce beau “ je ” aventureux qui attendait en nous ?
et pourquoi avons avons-nous fait de ce “ nous ”  un si petit “ je ” ? Le bonnet Mickey Mouse infantilisé à appartenances groupusculaires, le pavillon modèle dans son carré, les effets de paillettes audiovisuelles, illustrent comme autant de billes bariolées un “ je ”  dont la couleur se noie dans le nuancier du “ nous ”.

 

De nos monstres inconvenants

 

Où sont recroquevillées nos identités étouffées ? Tous ces petits “ je ” monstrueux incontrôlés et spontanés,    où sont-ils passés ? On les voit, dans ces images, surgir d’un corps esquissé ou versus croque-dieu mondial croquant des personnages croqués, monstres affamés qui dévorent le “ je ” se masquant à nous. Sur le principe physique des mouvements de motifs d’une lampe à bulles, des globules monstrueux, des êtres inconvenants, se détachent irrémédiablement de leur “ je ” convenu.