Dominique Lacoudre privilégie des techniques à la mise en œuvre légère, des dessins au trait fragile et ininterrompu, souvent punaisés à même le mur, où il met en scène un univers personnel et quotidien, décliné par séries, comme celle intitulée Les Pleins de 1995, consacrée aux objets destinés à recevoir du liquide (arrosoir, bouteille, thermomètre…). Comme pour mieux en révéler l’essentiel, l’artiste saisit de la réalité des signes, des indices, qui une fois isolés sur la page blanche et privés de contexte ou d’arrière plan, acquièrent un fort pouvoir d’évocation. Quand il convoque le monde de l’enfance ou l’image  du corps, thèmes récurrents de son travail, c’est pour  dévoiler avec beaucoup d’humour et de légèreté ses obsessions, ses rêves : j’aimerais être…, Les Lécheurs, Les Pisseurs.

L’individu / le collectif Interroger la place de l’individu au sein de la société, se demander ce qu’il en est de son libre arbitre, à une époque où il est beaucoup question de standardisation, de globalisation, telles sont les réflexions et les questionnements que l’artiste pointent à travers ses œuvres. S’il met en scène l’uniformisation de l’habitat dans des zones dites pavillonnaires, il prend le soin d’y inscrire la phrase "j’habite ici", pour provoquer tout  à coup un recentrement sur l’individu.  Celui-ci est invité à manipuler les pièces du jeu de Dominos pour créer et investir l’espace imaginaire de la cité. La relation du singulier au pluriel, de l’unité au tout, trouve sa métaphore dans les confettis, lorsque l’artiste les amasse en tas dans la salle d’exposition ou les solidarise pour former les mots Égalité, Fraternité, Liberté, Tous ensemble

Dominos Cela pourrait être le diminutif de Dominique, le prénom de l’artiste, mais Dominos est un jeu de société dont la partie se joue entre deux personnes ou deux équipes  sur  un  tapis vert  et sur  le  terrain  social.  En enchaînant des images suivant  leur identité, il s’agit de  former le plan d’une ville dont les murs  sont recouverts des symboles affichés sur les faces de ces Dominos.  Les pièces rectangulaires  sont divisées en  deux parties et chacune trouve sa chacune, et chacun son chacun. Symbole du dédoublement et de l’appariement, le jeu met en "je" les notions de "semblable" et d’autre",  comme le masculin et le féminin, les parents et le couple. Mais le domino est également un costume de carnaval qui nous dit que "je" peut aussi être un autre.

Nousautre "Nous sommes un autre", le sous-titre de cette exposition éclaire les jeux permanents que Dominique Lacoudre pratique dans son œuvre entre le singulier et le pluriel, l'individu et la foule, le pavillon et le lotissement l'espace privé et public... Pour marquer une distance face à la gravité de ses engagements, l'artiste a recourt à la légèreté des objets ou des matières, du dessin et des supports et là aussi, l'oxymore, cette figure de  rhétorique qui consiste à  rapprocher les contraires, est souvent mis à contribution.

Ainsi les confettis en sont l'illustration même lorsque l'artiste les utilise pour inscrire au sol le mot "Seul", la quantité révèle l'unité et nous montre en exergue.

Pages extraites du livret d’accompagnement pour l’exposition à Auxerre avec le centre d’art de l’Yonne.

l'ultime cri de l'individu absorbé et nié par la foule.